22/03/2009

Réification


Décryptage de Douceur angevine

Comment, à des fins dominatrices, « l’autre » peut se voir transformé en chose.


Certaines églises romanes du sud de la France sont ornées de sculptures curieuses montrant par exemple des personnages empoignant des pénis disproportionnés. Contemporaines des croisades, il s’agit de caricatures de l’ennemi : l’arabe occupant les lieux saints de la chrétienté. L’arabe, l’ « autre », est ainsi représenté sous les traits d’un être avili par une pratique masturbatoire jugée particulièrement choquante à l’époque.

Les sculptures, qui constituent, avant la lettre, un matériel de propagande, visent à discréditer, chosifier un ennemi, qui, rabaissé au rang de bête fornicatrice, n’est plus du tout un être humain à l’égal de soi. Le but de cette iconographie de la réification est de libérer les croisés d’une conscience encombrante, la destruction de cet autre répugnant devenant pour eux une œuvre sanitaire et civilisatrice.

Plus près de nous, ce rabaissement propagandiste de l’ « autre » trouve une sorte de paroxysme avec les exactions commises en 2006 par des soldats américains dans la prison irakienne d'Abou Graïb.

Le procédé dégradant, consistant à traiter les gens en inférieurs, est loin d’affecter les seuls rapports entre l’Occident et l’Orient. Il n’est pas non plus circonscrit au strict domaine de la guerre. En fait, il peut s’observer, à des degrés divers, en tout temps et en tout lieu de conflit interhumains. (Et faut-il d'ailleurs qu'il y ait nécessairement conflit pour l'observer ?)

Ainsi du milieu a priori paisible d'une école sociale française, où, dans le texte marquant la fin brutale de ma formation d'éducateur, Muriel Brzegowy, Patrick Lehoux et Christian Stéphan, dressent de moi, en toute arrogance, un portrait problématique, dans lequel je n’apparais pas comme un être intelligent, sensible, critique, mais bien comme une espèce de handicapé caractériel.

Sachant, de par leur noble profession d'éducateur, que l'infirme, le handicapé, ou plus exactement, selon leur terminologie la « personne en situation de handicap » constitue leur raison d'être, on serait tenté d'y voir une sorte de déformation professionnelle.

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A suivre


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