06/08/2009

Pantalonnade


Une jeune femme soudanaise, Loubna Ahmed Al-Hussein, journaliste opposante, et employée à l'ONU, risque actuellement une peine de... quarante coups de fouets, pour s'être affichée en pantalon, alors que dans son pays, pratiquant une charia (loi islamique) abusivement oppressive envers les femmes, le port de ce vêtement est qualifié de « tenue indécente ».

Par son engagement, l'intellectuelle vise à faire progresser les droits des femmes de son pays.

De quelle façon une telle sentence va-t-elle bien pouvoir être formulée ?

Encore une illustration des accès machistes de l'islam ! exclameront certains, à la suite de Michel Houellebecq pour qui il est « la religion la plus bête du monde ». Cette affaire de port de pantalon, punissable d'une peine corporelle publique de quarante coups de fouets, nous semble évidemment d'un autre âge, tant nous sommes persuadés de notre supériorité culturelle et idéologique, en particulier en matière de droits des femmes.

Alors ne boudons pas notre plaisir, n'est-ce pas, quand l'indignation peut rejoindre à aussi bon compte le narcissisme. Quitte à filer la représentation moyenâgeuse, demandons-nous comment une telle sentence va bien pouvoir être formulée, concrètement, au pays d'Omar El-Béchir.

Nous la représentons-nous lapidaire (c'est le cas de la dire), expéditive, péremptoire ? Dans ce cas, elle pourrait ressembler à ceci :

Le tribunal islamique réuni ce jour a décidé d’une peine de quarante coups de fouets concernant Madame Loubna Ahmed Al-Hussein.


Cette décision fait suite au constat réitéré d'une incapacité majeure de sa part à adopter la posture d'une femme musulmane soumise, ce malgré les mesures de clémence que nous avons mises en place.


Les questions soulevées lors des différentes instances, y compris un tribunal islamique précédent, demeurent pleines et entières :


- Madame Loubna Ahmed Al-Hussein a confirmé des difficultés importantes dans la construction de son identité de femme musulmane soumise et, au delà, dans son rapport à l'autre.


- Elle recherche systématiquement la confrontation au cadre et ne semble pas pouvoir concevoir d'autres relations dans un processus d’islamisation obscurantiste que le rapport de forces.


Le tribunal islamique prend donc acte de la persistance d'attitudes interrogées tout au long du parcours et de l'impossibilité manifestée par Madame Loubna Ahmed Al-Hussein de prendre en compte les observations qui lui ont été adressées, de différentes manières, depuis son interpellation en tenue indécente.



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Convaincant ? Oui, hélas. On espère pour la malheureuse que cette fiction (notre essai de formulation est bien une fiction) n'aura pas lieu. On espère, à tout le moins, que ses juges seront moins lapidaires, plus diserts dans leur exposé des faits et leurs références aux codes, aussi obscurantistes soient-ils.

Qu'on ne se rassure pas trop vite, cependant. Car notre sentence est bel et bien réelle... Il s'agit plus exactement d'une transposition, établie à partir d'un véritable arrêt, bien occidental celui-là, ayant décidé de l'exclusion d'un étudiant d'un école sociale (l'Iframes Le Campus, à Angers), en 2008. Nous en avons strictement conservé la trame (en italique), et n'avons modifié que les éléments de contexte (en rose).

On peut s'émouvoir à juste titre du traitement réservé à la jeune femme, ainsi qu'à ses coreligionnaires. Encourir la flagellation publique pour avoir porté un pantalon nous semble totalement abracadabrant. Observons toutefois que l'affaire comporte un fait objectif et irréfutable (le port d'un pantalon), lequel est sanctionné d'une peine codifiée (les quarante coups de fouet). Différence notable avec l'affaire touchant l'étudiant d'Angers, dans laquelle aucun fait n'est mentionné.

Pour aller plus loin, nous expérimenterons d'autres transpositions :






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