15/03/2009

Chien qui aboie


Réponse à un tract de la C.G.T. du 05-02-2009


Les salariés du centre psychiatrique de La Mainguais à Carquefou (44476) reçoivent épisodiquement dans leur boîte aux lettres personnelle des tracts du syndicat C.G.T. Peuvent-ils se reconnaître dans une écriture aussi particulière ? Analyse et commentaires.


Captation opportuniste des peurs et des angoisses : les quatre premières lignes du tract, qui ont valeur d’introduction, font référence à « un contexte social de grave crise économique économique », lequel induirait que « le rôle de la C.G.T. [fût] primordial pour défendre et faire entendre la voix des salariés ». Ben voyons. Ce qui serait « primordial », dans le contexte actuel de crise affreuse, ce n’est pas « le rôle de la C.G.T. », ce serait plutôt la capacité d’engagement de chacun. L’organisation syndicale se pose-t-elle comme unique vecteur possible au respect des droits des travailleurs et à l’expression de leurs souffrances ? « Toutes celles et tous ceux qui se reconnaissent dans nos revendications et nos actions sont invités à nous rejoindre ». « Invités » tempère quelque peu le caractère péremptoire de l’annonce, il était temps.


Narcissisme et prosélytisme. Voilà comment ce syndicat C.G.T. accueillerait ses fidèles, pardon, ses futurs membres : non comme des individus critiques capables d’apporter du sang neuf et des idées, mais comme des sujets déjà conquis. Oh, on peut être tracassé d’un besoin de croyance et agité d’angoisses existentielles sans pour autant tomber dans les bras du premier gourou. De même, qu’on peut être investi des préoccupations sociales les plus pures et les plus tenaces et trouver que les « actions » de cette C.G.T. sont à côté de la plaque. De nos jours, il existe des actions plus efficaces et plus modernes que ses tracts énervés ou ses défilés à la papa, non ?


100 % massif


Le mot « foyer » est utilisé dans cinq phrases tout au long du texte. Le lecteur assidu voudra bien comprendre qu’il existe un malaise concernant les salariés œuvrant sur lesdits foyers. Essayons, par exemple, de remplacer « foyer » par « poulailler industriel » et le texte continue de fonctionner comme si de rien n’était. Autrement dit, il est interchangeable… Etonnant, non ? Comme aurait dit l’humoriste Pierre Desproges qui n’était pas le dernier à fustiger la langue de bois. Car, c’est bien de cela qu’il s’agit : de la langue de bois, la plus réjouissante ou la plus insipide, selon le degré de tendresse qu’on veuille bien conserver pour ses auteurs. On ne réfléchit pas plus avec la langue de bois qu’avec des slogans, c’est bien connu. Or, deux slogans criards sont judicieusement placés dans le texte, de sorte à lui conférer une espèce de rythme, comme le refrain dans une chanson. En vertu de l’adage « Chien qui aboie ne mord pas », leur enflure graphique va à l'encontre de toute véritable audace et de toute efficacité communicationnelle. Véhémence de pacotille, quoi. « Il y a un ras le bol général qui n’est pas entendu ! » Tu parles, Charles. L’exaspération des masses (lesquelles ?) et la surdité (de qui ?) Ne cherchez pas, ce qui caractérise avant tout ce genre de phrase, c’est l’anonymat, le flou artistique. Le « n’est pas entendu » ne désigne strictement personne, pas plus que le « général ». « Nous craignions l’enlisement … c’est l’impasse ! » Ouf, si l’imparfait offre un certain effet de style, bonjour l’empilement de métaphores. Des mots éculés, des clichés, du toc.

Une seule fois apparaît l’expression « le président de l’ADAH », pour lui rappeler de manière totalement floue des promesses qu’il aurait faites. L’interpellation, qui n’en est pas une, a tout juste l’audace d’un aide-mémoire. Les mesures incriminées sont-elles tombées du ciel ? Le méchant, celui qui n’entend pas, celui qui met la pression, celui qui barre des impasses où l’on s’enlise les sabots, pourquoi n’est-il jamais nommé explicitement ? Pourquoi le cacher derrière ces verbeux écrans de fumée ? Les auteurs manquent-ils à ce point de culot qu’il leur est impossible de citer le moindre nom, de rappeler la moindre citation ?


Recherche usager désespérément


Dans une formulation généreuse, qui ne veut d’ailleurs pas dire grand’ chose, la loi indique que l’usager doit être « au centre du dispositif ». Ni au centre, ni aux bords, ni nulle part, l’usager est totalement absent du texte cégétiste. Il n’est pas même cité allusivement, ou pour l’anecdote, ou pour sa fonction de faire-valoir. Il est pourtant la raison d’être des salariés du centre de soins, non ? Oubli fâcheux… et confirmation supplémentaire de l’interchangeabilité du texte. Est-ce que lesdits salariés accompagnent des citoyens ou est-ce qu’ils élèvent des poulets ?

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Si le cégétiste est à l’image de ces tracts identifiables et prévisibles, eh bien il est inoffensif. Comme au carnaval, ses braillements n’ont-ils qu’une fonction cathartique, finalement ?

Allez camarade, étonne-moi encore.

A suivre

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