04/08/2009

I frames = Je cadres


Petite sémiologie du logo de l'Iframes, école sociale d'Angers (2/2).

On a vu comment, par quels emprunts graphiques, le dessin pouvait s'accorder à son nom « Iframes ». L’un et l’autre ne font pas que vous indiquer des intentions en matière d’écriture, ils vous disent comment, à partir de signes usuels ils entendent s’annexer des territoires identitaires sur la langue commune, à coups d’acronymes et de concepts maison, parfois totalement abscons pour le commun des mortels.

Mais l'appareillage signifiant ne s'arrête pas là.


Si semblable à une lettrine, le « I » de cet Iframes a aussi l’autorité majuscule d’un « Je » qui viendrait irradier toute la page comme un signe d'appartenance, de bonne origine, un signe identitaire.

Le logo laisse apparaître, par dessus le marché, une forme humanoïde, où l’on distingue nettement un torse bombé (l’apostrophe) surmonté d’une tête parfaitement ronde et bien dégagée sur les oreilles (le point). La silhouette humanoïde s'accompagne d'une notion d’identité, et là, pour citer un concept qui plaît : d’ « identité professionnelle. »


Figuré par l’apostrophe, le torse athlétique vient cogner, bras en arrière, comme un vainqueur à l'arrivée, l’angle supérieur droit du rectangle. La diagonale, provoquée par quelque irrésistible insufflation, suggère le dynamisme, la marche en avant. Mais l’apostrophe, seule forme souple de la figure est tantôt contenue dans son élan par les angles du rectangle, littéralement « cadrée », quoi.


L’apostrophe, c’est la prise de parole vigilante, qui peut prendre, selon le Robert, les accents d’ « une interpellation brusque et sans politesse », raison pour laquelle celle-ci est contenue, non dans un rectangle ordinaire, mais bien symboliquement dans un

« cadre ».


Où là, nous n’avons plus affaire, ni au simple logo à connotation sportive (comme le signe « Naïque » pouvait nous l'indiquer), ni à une forme humanoïde stylisée, mais plus encore à un idéogramme, lequel pourrait signifier « Un esprit sain dans un corps sain » ? Restons-en à cette académique référence, et laissons de côté ces idéologies fâcheuses autrefois mâtinées de sport et d'éducation.


Véritable couteau suisse, le mot « cadre » (prononcer « câââdre ») et ses multiples déclinaisons (« encadrer », « recadrer », etc.) est peut-être celui qui sortira le plus spontanément de la bouche de l'éducateur made by iframes, que la factice modernité des anglicismes n'effraie pas.


Au fait, « Frames » veut bien dire « cadres » dans la langue de Margaret Thatcher ?


La bande annonce du film Hunger, récompensé à Cannes, montrant le calvaire du militant irlandais Bobby Sands, en grève de la faim face à l'inflexible première ministre britannique Margaret Thatcher :



« Cadre » est ses déclinaisons para-policières, comme expression ultime d’une pratique éducative si bien bornée, qu'elle restera à jamais ignorante de qui sont Thomas Diafoirus et le père Ubu... Oups, quand j'entends le mot culture, je rentre dans mon cadre !


A quoi bon rappeler que le « câââdre », ce peut être aussi l’enferment, l’étiolement, l’oppression policière latente ou résurgente. Comme le montre Philippe Lioret dans Welcome, beau film très social, où un ex-champion de natation, incarné par Vincent Lindon ramolli en éducateur de piscine (fameuse métaphore du « cadre » éducatif, pour ceux qui n'auraient pas compris), fait des ronds dans l’eau tiède quand le jeune clandestin qu’il a formé bon gré mal gré nage de toute sa passion parmi les courants et les super-tankers. Un pouilleux d' « usager » qui dépasserait l'éducateur, sans blague, c’est vraiment une autre histoire !


Une interview du réalisateur Philippe Lioret, indigné par la situation faite aux immigrants clandestins, en France, en 2008. Des traques et des persécutions qu'il associe aux années de l'occupation, également rappelées pour leurs analogies avec notre époque actuelle par Lydie Salvayre dans son roman La médaille.



Enregistrer un commentaire