16/08/2009

« Les grands principes »


Les « orientations pédagogiques » de l’Iframes Le Campus, école sociale d’Angers formant des éducateurs, confrontées à sa propre pratique de l'exclusion.


A travers un document touffu de seize pages recto-verso, l’Iframes Le Campus expose ce qu’il appelle ses « orientations pédagogiques ». Une sorte de profession de foi.


La première section, longue de deux pages, intitulée « Options fondamentales », ne manque pas dès la toute première page de se référer à des grands maîtres de la sociologie : Robert Castel, Erving Goffman ou Edgard Morin. On est en bonne compagnie.



L’Iframes est-il de gauche ? L’Iframes fait-il de l’idéologie ? En tout cas, le ton est donné d’une préoccupation sociale vigilante, dans un monde ayant « réussi la conversion partielle de la lutte des classes en guerre économique ». Le mot est lâché.


Une simple anecdote : au début de mon cycle de trois ans de formation d’éducateur, j’ai été intrigué par la présence dans les couloirs de l’Iframes d’une caricature (d’ailleurs fort bien réalisée) d’un Nicolas Sarkozy en papier mâché. Une légende précisait ironiquement qu’elle était à « taille réelle ». Depuis que l’homme politique s'est hissé jusqu’à la fonction suprême de chef de l’Etat, sa caricature s’est volatilisée.


« Dans un tel contexte, l’Iframes Le Campus tient à énoncer clairement les valeurs sur lesquelles repose son action, en lien avec les grands principes qui fondent notre état de droit républicain ». (Il manque une majuscule à « état », à moins que son absence signifie subtilement que le monde dans lequel cet Iframes se bat de toute sa puissante dialectique est en mauvais état ?)


Aux armes citoyens ! l’Iframes se met en premières lignes pour veiller au « respect fondamental de chaque personne pour ce qu’elle est et ce qu’elle est en devenir, considérant qu’elle est toujours distincte des autres mais en lien avec eux ».


L’Iframes entend « promouvoir la dignité de chacun(e) [...], le développement de son sens critique ». Ah bon, sans blague ?


L’Iframes entend lutter « contre toute forme d’injustice, d’abus de pouvoir, de discrimination et d’exclusion, pour une égalité de tous, à partir d’un engagement à l’égard des plus démunis qui prend en compte les différences et se décline dans l’accompagnement, le soutien, la parole échangée, la dynamique du contrat social du don et du contre-don ». Ouf.


Ah, les grands principes... Décidément, c’est beau comme l’Antique, beau comme les droits de l’homme, tiens. Mais que valent ces déclarations plastronnantes à l’épreuve des faits ?


L’Iframes qui encouragerait la différence et respecterait l’altérité ? OK, mais c'est mieux si « l'autre » a la même « identité professionnelle » que vous. Kézako ? Quelque chose que le chanteur Renaud traduit vertement bien par un « Arrache-toi de là t’es pas de ma bande ! ».



L’Iframes qui favoriserait le développement du sens critique ? Attention quand même à ne pas dépasser le « cadre » du bon ton. Et surtout, pas de mots d'esprit, pas de mise en doute, pas de deuxième degré, c'est beaucoup trop compliqué et ça peut indisposer les gens qui savent. Comme ce spécialiste en « psycho-pathologie » faisant finement remarquer que les jeunes femmes ont des seins plus gros qu'avant, à cause de l'influence du lobby des produits laitiers sur leur alimentation, ah mais. Ou comme cette psychologue dont l'épreuve d'examen est refusée par la directrice soi-même, qui la juge soudain lucidement comme « idéologique et ambiguë ».


L’Iframes qui veillerait au respect du contrat social ? Tiens, au fait, moi j'ai perdu mon boulot alors que j'étais en CDD. Bien sûr, il n'y a pas de rapport avec ce que l'Iframes a pu dire de moi. Et puis quoi, perdre son boulot, c'est tellement banal de nos jours. Depuis quand est-ce que le travail serait vecteur de lien social ? De toute façon, comme dit Philippe Faity, cadre à l'Iframes : « A mon avis, on fait trop de social dans le social ! »


Moi qui croyais que « les grands principes du droit républicain » pour condamner étaient, entre autres, de citer des faits, de s’en référer rigoureusement à des codes. Non ? « Nous tenons à notre subjectivité ! » m’a lancé au visage Muriel Brzegowy, directrice de cette école, avant de me régler mon compte en deux phrases totalement obscures et jargonneuses.


Enregistrer un commentaire