15/03/2009

Il est arrêté d'arrêter

Décryptage de Douceur angevine

« Le jury de formation réuni ce jour a décidé d’un arrêt de formation concernant Monsieur... » : la phrase d’introduction informe le lecteur sur la nature du document qu’il a entre les mains. Il s’agirait donc d’un « arrêt », autrement dit, selon le Robert, de « la décision d’une cour souveraine ou d’une haute juridiction ». Nous voilà fixés. Mais « arrêt », relevant du disciplinaire et du juridique (mandat d’arrêt, arrêt de la cour), ne signifie pas seulement jugement ou décret, il est également synonyme d’interruption, suppression.

Une première phrase ambiguë, qui peut donc vouloir dire, tout aussi bien, que ledit jury rend un arrêt relatif à la formation de Monsieur... (lequel peut être de portée tout à fait variable), ou qu’il interrompt purement et simplement celle-ci.

Ainsi, les auteurs du texte ne s’exercent pas seulement à une imitation vaniteuse de la langue juridique mais témoignent aussi d’un grand art de la concision, où l’emploi polysémique d’un seul mot nous renseigne à la fois sur le genre de leur prose (para-juridique) et sur son objet (l'interruption de la formation).


Politiquement correct


Pourquoi ne pas oser dire plus simplement : « Le jury de formation réuni aujourd’hui a décidé d’interrompre la formation de Monsieur... » ?


Non, là où la langue parlée emploierait des lourdé, viré, mis à la porte, la première phrase donne la sentence, par un évasif « arrêt de formation concernant Monsieur... ». L’expression va bien dans l’air d’un temps politiquement correct où, par exemple, de malheureux « candidats à l’immigration sont invités à quitter le territoire ».


De plus, « un arrêt » est plus vague que l’arrêt tout court.

« Concernant Monsieur... » ne me désigne pas vraiment. Imaginons que ce soit mon meilleur ami qui subisse « un arrêt de

formation », je serais naturellement concerné, en fonction des liens que j’entretiens avec lui.


D'ailleurs, comme tout citoyen un tant soit peu concerné, une foule de choses me chatouille l’éthique : la crise économique, le réchauffement climatique, la vivisection, etc. De quelle manière l’ « arrêt » en question est-il censé me toucher ? Où le placer sur mon échelle d’indignations et de combats personnels ?


Le texte dit tout au plus qu’il me concerne, sans oser jamais dire qu’il risque de faire de moi un chômeur...

A suivre

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