15/08/2009

Déchetterie


« le meilleur portrait que j'aie jamais fait de Jack Nicholson, c'est celui de sa poubelle », commente le photographe Bruno Mouron, tant il est vrai qu'un échantillon d'immondices peut dire beaucoup de l’identité de son propriétaire.


Indissociable de l'idée de jetable, le sac-poubelle témoigne aussi d'un certain sens pratique, lorsque, par exemple, il accompagne le patient d’un centre psychiatrique vers le monde extérieur.


Dans leur étonnante série intitulé Trash, Bruno Mouron et Pascal Rostain, photographes à Paris-Match, ne montrent pas des intimités prises à la dérobée au téléobjectif, mais s’intéressent aux... poubelles des célébrités, dont ils dévoilent le contenu, très soigneusement, comme une collection d’insectes sur fond noir.


A travers ce travail qui confine à l’analyse sociologique, les photographes prennent en quelque sorte au pied de la lettre la représentation courante du paparazzo, accusé métaphoriquement de « faire les poubelles ».


Une imagerie scatologique illustrée par l’actrice Sandrine Bonnaire qui, mécontente d’un reportage voyeuriste publié à son insu dans Voici, avait fait déverser un tombereau de fumier à l’entrée de l’immeuble abritant les bureaux du journal.


Dégradant travail de « chiens », comme aurait dit François Mitterrand parlant des journalistes, éventrer une poubelle c’est révéler une part cachée de son propriétaire : lettres déchirées, brosses à dents usagées et autres rebuts composant de façon troublante une véritable intimité faite d’objets somme toute banals, alors que leurs utilisateurs sont perçus comme exceptionnels. Intimité, pour ainsi dire plus dérangeante que celle d'un quelconque baiser volé entre deux voitures.


Exactement contraire au dispositif de dévoilement opéré par les photographes de Paris-Match, la photo ci-dessus montre un empilement de sacs-poubelles, tels qu’on peut en voir le plus banalement du monde, aux jours-dits sur nos trottoirs, attendant le passage de la benne à ordures.

N'enfermant pas à proprement parler des déchets, les sacs contiennent les effets personnels d’un patient qui, après un séjour en centre psychiatrique, laissant la place à un nouvel arrivant, retourne à la vie extérieure.


Etant pris dans leur fonction utilitaire d'emballage et d’occultation, ils sont munis d’une affichette précisant le nom du patient. Un brin tautologique, l’une d’elle indique que le contenu du sac-poubelle est « sale ». Et que dire de la présence conjointe de cet extincteur, dont la fonction est aussi de neutraliser ?


Les thèmes de la disparition et de la séparation étant couramment traités, d'après des conceptions psychanalytiques, par ledit centre, l'image pourrait aussi être vue d'un point de vue artistique, comme une métaphore de l'homme jetable, dans un monde où l'hyper-consommation impose ses rites et ses symboles.


L'image correspond en tout cas à une réalité brute. Or, si l'on en croit le livret d'accueil d'un hôpital local, le thème du départ paraît n'être illustré, dans la littérature officielle, que sur un mode elliptique, sans aucun rapport avec ce cliché plus prosaïque.


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